Conscients des risques de plus en plus avérés des conséquences du réchauffement climatique, 194 pays ont pris des engagements pour réduire les émissions de gaz à effet de serre durant la COP21 signée à Paris en 2015.
Beaucoup le craignaient de la Chine, certains de l’Inde ou du Brésil, d’autres de la Russie. Le « désistement » à l’ambition internationale de maîtriser la consommation énergétique, le retrait de la parole donnée, le refus de respecter les engagements de Paris, font des Etats-Unis la nation inconséquente assumée que chaque pays signataire redoutait. Bien plus que les campagnes électorales – primaires, présidentielle, législatives – la volte-face des Etats-Unis a remis la question du réchauffement planétaire et du rôle de la consommation d’énergies fossiles dans celui-ci, au goût du jour. Certes de façon sourde, lancinante, jouant trop souvent sur le flou dû à l’extraordinaire complexité du sujet, mais aussi sur les peurs, la défiance et une certaine culpabilité.
Parallèlement, la question de la place du nucléaire civil dans la production électrique revient dans le débat public à chaque échéance cycle électoral. Certains veulent une suppression totale, d’autres promettent de la réduire à la moitié sans que l’on sache préciser à quel volume s’applique la moitié, d’autres encore fustigent un faux débat.
Dans ces échanges passionnés, un peu de science pourrait faire avancer le débat.
Pour cadrer le débat, quelques définitions et lois physiques doivent être rappelées. Les contraintes économiques existent et la politique a ses droits mais ne permettent pas de s’affranchir des lois de la nature.
Les seules énergies ne produisant pas de CO2 sont le nucléaire (93 % de l’énergie décarbonnée), l’hydraulique (4 %), l’éolien (2 %), le solaire et la géothermie (1 %). La substitution de ces énergies au nucléaire est-elle possible ?
Le potentiel restant de l’hydraulique (barrages) est faible : les experts l’estiment à 10 % du rendement actuel. L’éolien en revanche semble présenter de belles perspectives. Selon le rapport de l’Ademe, sa production pourrait passer à 22 % du besoin électrique en 2030 dans un scénario qualifié d’« ambitieux mais atteignable ». De même la production photovoltaïque pourrait atteindre 10 % des besoins en électricité.

Produire au bon moment

L’inconvénient de ces deux énergies est qu’elles ne sont pas nécessairement produites au moment où s’expriment les besoins. Or, l’électricité ne peut pas se stocker ou à des coûts restant pour l’heure par trop prohibitifs. Il en résulte un grand écart entre ce qui est construit et ce qui est utile. Pour un kilowatt/heure utilisable il faut en produire cinq pour l’éolien, dix pour le solaire et seulement deux pour le nucléaire.
Pour atteindre les objectifs du scénario de l’Ademe, il faudrait dépasser les fortes progressions actuelles de 14 % par an pour l’éolien et de 20 % pour l’électricité solaire. Cela représenterait un coût difficilement supportable en l’état des technologies et des choix socio-économiques actuels.
Il est donc présomptueux d’afficher un objectif de diminution à 50 % de la part du nucléaire sur l’ensemble de la production française dès 2025. D’ailleurs, le scénario de l’Ademe déjà qualifié d’« ambitieux » ne prévoit d’atteindre ce résultat qu’en 2030, et cela dans le meilleur des cas.
Il faudrait compléter l’apport énergétique par d’autres énergies renouvelables telles que la biomasse et le bois combustible. Problème : toutes ces énergies sont combustibles. Elles émettent donc du… CO2, et contribuent ainsi au réchauffement climatique. Il convient certes de ne pas assimiler les énergies dites renouvelables aux énergies inoffensives pour le climat.
D’autant que la production d’énergies renouvelables repose à plus de 70 % sur la combustion de produits organiques : bois, biomasse, biogaz, représentant en tout 17 Mtep… L’hydraulique, l’éolien et le solaire n’en assurent que 30 % (7,7 Mtep). C’est une loi immuable : toute combustion émet inévitablement du dioxyde de carbone.

Entre la peste (nucléaire) et le cholera (énergies à combustion) il faudra pourtant choisir, au moins pour le court terme.

La priorité est de réduire les émissions de CO2. Dans le résidentiel, par l’isolation des bâtiments et dans les transports, par les véhicules électriques. Pour alimenter ceux-ci le nucléaire sera nécessaire, au moins dans les deux prochaines décennies. Il pourrait être même opportun d’en augmenter la production pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Pour cette énergie nucléaire, la question est celle du renouvellement des centrales et du traitement de leur déchet. Elle ne peut pas être traitée au niveau global mais centrale par centrale. Les paramètres à prendre en compte sont, en premier lieu, la sécurité ; puis le coût de la réhabilitation et enfin l’impact sur la population locale avec les deux contraintes d’une même ambition : préserver la sécurité et l’emploi. Une solution pour dépasser les positions tranchées des uns et des autres est de recourir au referendum local au niveau du bassin d’emploi, qui est géographiquement proche de celui des risques de contamination en cas d’accident nucléaire.
Le débat sur la transition énergétique n’est pas une équation simple. Il revêt des dimensions techniques qui ne font pas consensus chez les experts. Laisser les décisions aux seuls techniciens serait cependant un déni de démocratie. Pour qu’un débat citoyen soit possible, il faut faire preuve de pédagogie. Les partis en sont-ils capables ? C’est un défi pour le gouvernement de donner à tous l’éducation nécessaire pour un débat éclairé.