Le Conseil d’Orientation des retraites a attendu la fin du cycle électoral pour publier le 20 juin son quatrième rapport sur les perspectives financières des régimes de retraites.

Ce nouveau rapport brosse un tableau bien plus sombre que celui de l’an dernier. Ce changement de tonalité peut étonner dans un climat économique pourtant plus favorable. Que s’est-il passé depuis un an ? Le citoyen peut légitimement s’interroger sur l’indépendance de ces rapports. Le Conseil d’Orientation des retraites créé en 2000 est directement rattaché au Premier Ministre : toutes les données chiffrées proviennent d’organismes publics sous contrôle de l’exécutif (Direction du trésor, INSEE, Drees). Les hypothèses sont validées par les cabinets ministériels. Les projections financières des dépenses de retraites s’appuient sur des données démographiques et des hypothèses économiques.

Les données démographiques proviennent de l’état civil. L’Insee révise les projections régulièrement mais ces révisions sont marginales du fait la lenteur des mouvements démographiques. Cette année la fécondité future n’a pas été revue : 1,95 enfant par femme. Par contre, l’apport migratoire a été révisé de 100.000 à 70.000. Ces estimations par l’Insee du solde migratoire ne sont pas précises : elles sont obtenues par différence entre des recensements auxquels échappent notamment des étrangers en situation irrégulière. Les gains futurs d’espérance de vie relèvent aussi de choix normatifs s’appuyant sur des hypothèses fortes de prolongation des tendances passées.

Les deux variables économiques : chômage et croissance

Les deux principales variables économiques sensibles pour le financement des retraites sont le taux de chômage et la croissance future des salaires. Les hypothèses sur le chômage sont essentielles car elles jouent sur les cotisations retraites. Dans tous ses rapports, le COR a toujours annoncé une baisse future du chômage. En 2001, il prévoyait un taux de chômage de 4,5 % en 2010. En 2006, l’horizon de ce plein emploi est repoussé à 2015. Après la crise, le rapport de 2010 le décale encore à 2024, tout en envisageant autre scénario à 7 % en2015. De rapport en rapport, le mirage de la fin du chômage s’éloigne.

L’autre variable décisive est la croissance du PIB. Les hypothèses présentées en 2016 étaient celles très optimistes communiquées à la commission européenne. Critiquées par le Haut Conseil aux finances publiques, elles viennent d’être révisées à la baisse alors que, paradoxalement, la conjoncture s’améliore !

Le 16 juin 2016 le COR écrivait «Le système de retraite pourrait toutefois, en cas de croissance suffisante des revenus d’activité, revenir à l’équilibre financier et dégager des excédents à plus long terme ; l’équilibre serait ainsi atteint dès le milieu des années 2020 dans les scénarios 1,5 %, 1,8 % et 2 % ». Le 20 juin 2017, le nouveau rapport prévoit un taux de chômage de 7 % en 2025 et, selon les scénarios, un déficit de la seule CNAV compris entre 20 et 40 milliards en 2050.

L’impossible prévision à long terme

Prévoir la croissance dans vingt ans est aussi hasardeux que la météo dans deux mois. Les économistes de Bercy vouent une foi sans faille à la théorie économique libérale qui égalise salaires et productivité du travail. Ces dernières années les salaires ont moins cru que celle-ci. Or ce sont les salaires qui déterminent l’équilibre des cotisations et des pensions. Le calcul de la retraite, appuyé sur les 25 dernières années pour la CNAV, présente une forte rigidité. En cas de faible croissance, le taux de remplacement augmente, du fait de la réforme Balladur de 1993. Ce devrait être l’inverse.

Il est difficile de faire des réformes portant sur le long terme dans une telle incertitude sur la croissance. La Suède, puis l’Italie ont adopté des réformes permettant d’ajuster, en temps réel, l’évolution des dépenses et des recettes : ce sont les comptes notionnels. Sans aller aussi loin dans un système peu lisible, un régime à points, comme en Suède, permettrait d’ajuster les pensions aux recettes. Il permettrait de réformer à temps pour ne pas pénaliser les jeunes générations.

François Jeger, co-fondateur de l’Institut Chiffres & Citoyenneté