La France était en pleine campagne présidentielle. Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, concluait le bilan des actions de l’Europe en 2016 par un appel aux Etats membres de l’Union à conserver en 2017
« l’unité dont ils ont fait montre en 2016. »[1] Curieuse formule, alors que ces douze derniers mois furent précisément marqués par ce moment inédit et historique d’un référendum britannique et de son résultat de sortie de l’Union. Survenu en milieu d’année, le Brexit aura bien été une charnière dans le rapport des Etats à l’Europe autant que des peuples envers ce qu’ils ressentent, à tort ou à raison mais majoritairement, comme un poids technocratique encombrant et peu légitime.
La publication en février par l’Union européenne de son bilan 2016 passa, en France, aussi inaperçue que l’était la question européenne dans la campagne présidentielle. Il fallut attendre que se cristallise l’euroscepticisme dans les programmes des extrêmes, gauche et droite, pour que le débat sur l’Europe émerge. Seule question abordée cependant, le maintien ou non dans l’Union, ne permis pas une réflexion de fond sur la pertinence européenne pour ses membres et leur population respective.
Débattre en conscience apaisée
Pouvait-il en être autrement ? Le paroxysme d’une campagne n’est certes pas le moment le plus apaisé pour traiter d’une question dont l’une des réponses pourrait être la négation d’efforts d’une construction commune cinquantenaire. Et pourtant, en « vitesse de croisière » de la vie démocratique, les occasions du débat citoyen sur le fait européen s’avèrent rares pour ne pas dire inexistantes. Ce fait interdit autant les expressions d’adhésion que celles d’éventuels rejets à l’égard d’une institution supranationale dont les orientations et les actions influent désormais en profondeur le quotidien de chaque Européen.
Réduite pour le grand public à surgir au détour d’une contestation partisane et donc sujette à tous les calculs de pures conjoncture électoraliste, la question européenne reste traitée soit en comités d’experts restreints, soit en sujets contestataires et populistes livrés à tous les vents démagogiques.
Jusqu’alors trop ignorés par les décideurs européens et nationaux, particulièrement en Grande-Bretagne et en France – mais aussi en Autriche, aux Pays-Bas, en Italie… -, ces vents contraires finissent par empêcher de regarder les faits en face. L’euroscepticisme croissant n’est désormais plus une découverte. L’UE a-t-elle la force d’y résister ? Elle le pourra ne craignant pas le débat et en considérant les faits tels qu’ils sont pour mieux les comprendre et orienter son actions envers les Etats membres et à l’égard des peuples qui la composent. Sur ce point, la rédaction du rapport 2016 ne citant le Brexit qu’une seule fois, en encore, en toute fin de document à l’occasion d’une légende de graphique, peut laisser craindre quelques difficultés restant à surmonter.
Se donner des occasions de parler « Europe »
Sortir de l’omission, c’est déjà redevenir positif. L’Europe doit faire mieux. La France doit montrer l’exemple en redéfinissant une politique européenne à mettre en débat auprès de sa représentation nationale, seule condition suffisante pour porter ensuite une ambition affirmée et légitime auprès des autres Etats membres.
C’est la raison pour laquelle, l’Institut Chiffres & Citoyenneté plaide pour la mise en place dans le calendrier parlementaire français d’occasions de débats sur la question européenne. Les possibilités sont nombreuses et la communauté de destin des peuples d’Europe mérite qu’une place privilégiée soit laissée à l’imagination des garants du débat public. Pour n’en citer qu’une, comment admettre que ne soit pas encore institutionnalisée, au-delà du seul discours de politique générale du Premier Ministre, une déclaration solennelle du Président de la République devant les assemblées nationales sur les orientations et intentions françaises au sein de l’Union, mais aussi des diverses attentes du pays envers le fonctionnement et les actions des instances européennes ?
Olivier Peraldi, François Jeger.
Co-fondateurs Institut C&C
[1] L’UE en 2016, rapport général sur l’activité de l’Union européenne, p. 10, 24 février 2017.