Le Journal des acteurs sociaux (JAS) publie un article de François Jeger, co-fondateur de l’Institut Chiffres & Citoyenneté, sur les enjeux de la lutte contre la faim en France.

Journal des acteurs sociaux.- Francois Jeger est bénévole de la Fédération des Banques Alimentaires. Il est aussi cofondateur de
l’Institut Chiffres et Citoyenneté, ancien conseiller Dépendance du ministère du Travail et des Affaires sociales (2008-2010). Cet expert de l’analyse a été chargé de mener une enquête sur le profil des bénéficiaires des Banques Alimentaires. Réparties sur l’ensemble du territoire, les 79 Banques Alimentaires collectent chaque année près de 132 000 tonnes de produits alimentaires auprès de la grande distribution, de l’industrie agroalimentaire, des agriculteurs et du grand public.

Les produits collectés par les banques alimentaires  sont aujourd’hui distribués à plus de 6000 associations partenaires (Croix rouge, Armée du Salut, Secours populaires, etc.), épiceries sociales et CCAS. Ils aident 2,4 millions de personnes à se nourrir chaque jour. L’étude présentée par la fédération des banques alimentaires en février 2023, à l’occasion du Salon de l’Agriculture, est toujours disponible sur son site.

La fédération a montré qu’entre 2011 et 2022, la demande d’aide alimentaire avait déjà triplé, et qu’entre 2020 et 2022, 400 000 nouvelles personnes s’étaient présentées dans les associations partenaires du réseau Banques Alimentaires. Parmi les associations que j’ai interrogées pour mon enquête il y avait un nombre important de CCAS.

Il a semblé de fait intéressant de faire une sous étude pour savoir s’il y avait des différences de public entre ceux qui fréquentent l’aide alimentaire distribuée par les CCAS et ceux qui vont dans les autres associations. La crise du Covid avait déjà augmenté les situations de précarité. La hausse des prix alimentaires (+16 % en un an) a encore accru la demande d’aide de nourriture. Les CCAS jouent y un rôle important. Dans 1370 communes, ils distribuent 50 000 tonnes de colis par an auprès de 160.000 foyers, soit un kilo par jour et par famille. C’est numériquement moins que les grands réseaux tels que les Restaurants du cœur, la Croix rouge et le Secours populaire, mais leur présence couvre de nombreuses communes rurales.

Deux enquêtes en 2021

Deux enquêtes de la FFBA en 2022 et de l’Insee, en 2021, dessinent le profil des bénéficiaires de cette aide. Cette aide va aux plus pauvres des plus pauvres puisque 93 % se situent sous le seuil de pauvreté. Sept sur dix sont des femmes. L’âge moyen est de 53 ans. On y compte plus de retraités (27 %) que dans les autres réseaux de distribution alimentaire. Les familles monoparentales composent plus du quart des bénéficiaires (27 %).

L’insécurité alimentaire peut se manifester de plusieurs façons. Plus de la moitié des bénéficiaires déclarent avoir eu peur de ne pas avoir assez de nourriture. Plus d’un quart déclarent s’être couché en ayant faim. La privation des adultes pour nourrir les enfants concerne un foyer sur trois mais deux sur trois des familles monoparentales. L’aide alimentaire est jugée « essentielle dont on ne peut pas se passer » pour les deux tiers des foyers. C’est une conséquence directe de l’augmentation des prix de l’alimentation. Ainsi le poste « alimentation » est-il passé à la deuxième place des postes importants du budget (derrière le loyer). Deux ans plus tôt, il était à la troisième place derrière les factures (eau, électricité et gaz).

Les CCAS reçoivent des produits des banques alimentaires départementales

Les banques alimentaires départementales procèdent à une collecte auprès des grandes enseignes (produits proches de la date limite de consommation), de dons de l’industrie alimentaire et de subventions nationales ou européennes. Le type de produits distribués dépend de ce circuit avec des limitations liées soit à leur caractère périssable (produits frais) ou à leur coût (viande, poisson). Ainsi si un quart des familles reçoivent des fruits et légumes, une moitié en souhaiterait davantage.

Un tiers des familles est fournie en viande mais 70 % en souhaiterait davantage. Par contre, les féculents sont fournis en quantité suffisante. Néanmoins, 93 % des familles jugent la qualité des produits suffisamment bonne et 87 % déclarent qu’ils leur permettent une nourriture équilibrée. La majorité des personnes interrogées (58 %) considère que leur situation va s’améliorer et une sur dix seulement qu’elle ira moins bien. Cependant, cet optimisme décroit avec leur ancienneté de fréquentation des centres. alimentaires. Après 5 ans, plus de la moitié ne croient plus à un avenir meilleur.

Francois Jeger

Co-fondateur de l’Institut Chiffres & Citoyenneté

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